Lettre de Pauli du 4 Decembre 1930
Chers dames et messieurs radioactifs,
Je vous prie d'ecouter avec beaucoup de bienveillance le message de cette
lettre. Il vous dira que pour pallier la "mauvaise" statistique des
noyaux N et Li6 et le spectre beta continu, j'ai decouvert un remede inespere
pour sauver les lois de conservation de l'energie et les statistiques. Il s'agit
de la possibilite d'existence dans les noyaux de particules neutres de spin 1/2,
obeissant au principe d'exclusion, mais differentes des photons parce qu'elles ne
se meuvent pas a la vitesse de la lumiere, et que j'appelle neutrons. La masse des
neutrons devrait etre du meme ordre de grandeur que celle des electrons et ne doit
en aucun cas exceder 0.01 fois la masse du proton. Le spectre beta serait alors comprehensible
si l'on suppose que, pendant la desintegration beta, avec chaque electron est emis
un neutron, de maniere que la somme des energies du neutron et de l'electron soit constante...
J'admet que mon remede puisse paraitre invraisemblable car on aurait du voir ces neutrons
bien plus tot si reellement ils existaient. Mais seul celui qui ose gagne, et la gravite
de la situation, due a la nature continue du spectre beta, est eclairee par une remarque
de mon honoré predecesseur, monsieur Debye, qui me disait recemment a Bruxelles: "Oh!
Il vaut mieux ne pas y penser du tout, comme pour les nouveaux impots." Dorenavant, on doit
discuter serieusement toute voie d'issue. Ainsi, cher peuple radioactif, examinez et jugez.
Malheureusement, je ne pourrai pas etre moi-meme a Tubingen, ma presence etant indispensable
ici pour un bal qui aura lieu pendant la nuit du 6 au 7 decembre.
Votre serviteur le plus dévoué,
W. Pauli