Henri Becquerel en 1896, puis Pierre et Marie Curie en furent les premiers acteurs. Tandis qu'Henri Becquerel decouvraient des rayonnements etranges provenant des sels d'uranium, Pierre et Marie Curie isolaient le radium, substance bien plus radioactive que l'uranium.
En 1899, Rutherford montre qu'il existe deux sortes de rayonnement qu'il appelle alpha et beta. En 1900, Villard met en evidence un troisieme rayonnement provenant du radium et qu'il appelle rayonnement gamma. En 1902, Pierre et Marie Curie montrent que le rayonnement beta n'etait autre que des electrons tandis que F. Soddy et E. Rutherford estiment que les rayonnements alpha, beta et gamma sont differentes sortes de radioactivites.
Une folle course commence pour etudier en detail les rayonnements provenant
des substances radioactives.
Vers 1904, Rutherford montre que le rayonnement alpha est constitue de quelque
chose ressemblant a de l'helium.
Il existe bien finalement trois sortes de radioactivites:
L'electron du rayonnement beta, seule particule a priori ejectee, devrait avoir une energie bien fixee. Or, apres plusieurs etudes de ce rayonnement faites par Lise Meitner, Otto Hahn, Wilson et von Baeyer, James Chadwick montre en 1914 que tel n'est pas le cas: le spectre en energie de l'electron est continu.
Faut-il renoncer au principe de la conservation de l'energie,
sacro-saint principe des scientifiques jusqu'ici toujours verifie par les experiences ?...
Niels Bohr, entre autres, ose y penser. Il faut attendre 1930 et
Wolfgang Pauli pour voir apparaitre une autre solution.
Mais l'idee du neutrino est nee seulement en 1930, lorsque Wolfgang PAULI tenta une operation desesperee de sauvetage du "principe de conservation de l'energie". Le 4 Decembre 1930, invité a une reunion de physiciens a Tubingen, il envoie a ses collegues une lettre etrange et humoristique debutant par "Chers dames et messieurs radioactifs..."
En Fevrier 1932, J. Chadwick decouvre le neutron, mais le neutron est trop lourd et ne correspond donc pas a la particule imaginee par Pauli.
Au Congres Solvay de Bruxelles, en octobre 1933, Pauli declare a propos de ses particules:
"... leur masse ne peut pas depasser beaucoup celle de l'electron. Pour les distinguer des neutrons lourds, monsieur Fermi a propose le nom de neutrinos. Il est possible que la masse propre des neutrinos soit egale a zero... Il me parait admissible que les neutrinos possedent un spin 1/2... Nous ne savons rien de l'interaction des neutrinos avec les autres particules materielles et avec les photons: l'hypothese qu'ils possedent un moment magnetique ne me parait pas du tout fondee."
En 1933, F. Perrin montre que la masse du
neutrino doit etre beaucoup plus petite que celle de l'electron. La meme annee,
Anderson decouvre le positron, premiere particule d'anti-matiere,
verifiant ainsi la theorie de
P.A.M. Dirac et confirmant l'idee du neutrino dans l'esprit de Pauli et
Fermi.
Fin 1933, tandis que
Frederic Joliot-Curie decouvre la radioactivite beta plus
(emission d'un positron au lieu d'un electron),
Enrico Fermi reprend l'hypothese du neutrino
et elabore sa theorie de la desintegration beta (interaction faible).
[ Depuis, on a beaucoup progresse dans la
comprehension de l'interaction faible et l'on parle de protons et de neutrons,
composes chacun de trois
quarks. Un des quarks du neutron par exemple se transforme en un autre quark,
donnant lieu a l'emission d'un
boson W qui se desintegre en un electron et un anti-neutrino ]
La quete du neutrino commence, mais il fallait etre bien temeraire
et perseverant en ces annees-la car, des 1934,
Hans Bethe et
Rudolf Peierls
montrent que la section efficace (probability d'interaction)
entre les neutrinos et la matiere doit etre
extremement faible: des milliards de fois plus faible que celle de l'electron.
Cette particule interagit si peu qu'elle peut traverser
la terre entiere sans devier de sa trajectoire.
En 1945 explose la premier bombe atomique.
Malgre l'horreur qu'elle inspire, c'est pour les physiciens
une source formidablement puissante de neutrinos.
Frederick Reines, qui travaille alors a Los Alamos, parle a Fermi, en 1951, de son idee
d'installer un detecteur de neutrinos aupres d'une explosion atomique.
En 1952, il rencontre
Clyde Cowan et tous deux se decident finalement pour une source plus
"pacifique": le reacteur nucleaire de Hanford, dans l'Etat de Washington.
Le detecteur est tres vite realise.
Leur experience est proposee en fevrier 1953, realisee au printemps et leurs
resultats sortent durant l'ete 1953. Mais le signal n'est pas convaincant. Ils
recommencent leur experience en 1956, de facon plus meticuleuse et aupres du reacteur de
Savannah River, en Caroline du Sud. Les ameliorations apportees, notamment vis a vis
du bruit de fond, leur permettent de decrocher le jack-pot!
Le neutrino est la. Sa signature est nettement visible dans le detecteur,
largement au-dessus des bruits de fond comme ceux dus aux rayons cosmiques.
[ Aupres du meme reacteur, d'autre physiciens, comme Alvarez ou
Ray Davis, avaient deja tente sans succes
de detecter les neutrinos avec une solution de chlorure de carbone qui aurait du
se transformer en argon radioactif par interaction avec un neutrino.
Malheureusement pour eux, un reacteur nucleaire ne donne que des anti-neutrinos! ]
Le
principe de l'experience de Reines et Cowan
consistait a utiliser comme cible environ 400 litres
d'un melange d'eau et de chlorure de cadmium.
L'anti-neutrino provenant du reacteur nucleaire interagit
avec un proton de la cible, donnant naissance a un positron
et un neutron. Le positron s'annihile en donnant deux photons simultanes
et le neutron ralentit avant d'etre eventuellement capture par le cadmium,
ce qui provoque l'emission de photons environ 15 microsecondes apres ceux du positron.
Ces photons sont detectes et les 15 microsecondes identifient l'interaction d'un neutrino.
Detecteur de l'experience de 1953 |
Schema de l'experience de 1956 |
D'autres prirent le relais et, en 1959,
a la cafetaria de l'universite de Columbia, a New-York, commence la
quete du neutrino .
A la suite d'une discussion entre
T.D. Lee et
M. Schwartz, ce dernier prend conscience
de la possibilite de fabriquer un faisceau de neutrinos provenant de la desintegration du pion,
particule produite en grande quantite lorsqu'un faisceau de protons de plusieurs
GeV rencontre de la matiere.
T.D. Lee et C.N. Yang
s'enthousiasment et commencent a calculer les sections efficaces attendues, tandis que
Schwartz s'associe a
Leon Lederman,
Jack Steinberger
et, plus tard, un jeune physicien d'Orsay
Jean-Marc Gaillard.
Ils trouvent le detecteur ideal pour leur experience
en decouvrant la chambre a etincelle construite par
J. Cronin et son equipe, a Princeton.
En 1960, Lee et Yang sont de plus en plus convaincus que si une reaction comme n'est pas observee, c'est parce qu'il existe deux types de neutrinos. Pendant ce temps, la construction des chambres a etincelles (un ensemble de 10 tonnes rempli de neon), avance rapidement. Debut 1962, tout est pret. L'accelerateur delivre quelques centaines de millions de neutrinos par heure, dont 40 environ interagissent avec l'appareillage de facon claire. Dans 6 cas sur 40 la particule provenant de l'interaction du neutrino est reconnue comme etant un electron, ce qui etait le bruit de fond attendu. Dans 34 cas sur 40, c'est un muon. Conclusion: le est une particule differente.
Si le et le
avaient ete un seul et meme neutrino,
nos chasseurs de neutrinos auraient obtenu la meme proportion d'electrons et de muons.
Dans les annees 60 et 70, les electrons et
les neutrinos de haute energie vont servir de sondes pour
aller voir de quoi sont composes les nucleons (protons et neutrons).
La mise en evidence
des quarks, puis leur etude, doit donc beaucoup au neutrino.
On voit fleurir au CERN,
durant les annees 70, notamment en 1975 et 1976, les experiences
CDHS,
CHARM et
CHARM II, puis
BEBC, qui toutes apporteront des
resultats marquants pour la comprehension de la structure en quarks des nucleons
et permettront surtout de mieux cerner cette drole de force qu'est l'interaction faible.
BEBC | CHARM | CHARM II | CDHS |
En 1970, Glashow, Iliopoulos et Maiani font l'hypothese de l'existence d'une deuxieme famille de quark. Fin 1974, leur hypothese est confirme experimentalement par deux equipes americaines. Deuxieme famille de neutrinos, deuxieme famille de quarks: un joli pont se dessine entre les familles de leptons et les familles de quarks.
En 1973, apres une course effrenee entre l'equipe du Fermilab et l'equipe de la chambre a bulles "Gargamelle", au CERN, les courants neutres (interaction d'un neutrino avec la matiere sans que le neutrino soit transforme en une autre particule comme le muon ou l'electron) sont decouverts. En 1977, l'equipe de Leon Lederman decouvre aupres de l'accelerateur de Standford le quark b, qui ouvre ainsi la troisieme famille de quarks. A peu pres au meme moment, Martin Perl decouvre le tau, de la troisieme famille de lepton. Le neutrino est la: on le sent mais on ne le voit pas! En 1996, on ne l'a toujours pas observe experimentalement!
En 1983, le
boson W
signale sa presence a l'experience
UA1 en se desintegrant
en electron + anti-neutrino. Puis c'est le boson Z.
L'interaction faible et le neutrino impriment definitivement
leur marque dans la physique.
Un long chemin a ete parcouru depuis les premieres desintegrations
beta reconnues par Curie et Rutherford en 1898.
En 1979, une experience menee par F. Reines, toujours aupres du reacteur nucleaire de Savannah River, entreprend de mesurer la proportion de courants neutres par l'interaction d'anti-neutrinos sur du deuterium. Le resultat ne correspond pas aux previsions theoriques et pourrait s'expliquer par le phenomene d'oscillation des neutrinos. Mais pas de conclusion hative.
Sous l'impulsion de ce resultat (qui plus tard sera corrige par d'autres experiences),
une equipe de l'ILL (Institut Laue Langevin)
de Grenoble tente de chercher l'oscillation des neutrinos aupres du
reacteur de son Institut. Puis, plusieurs experiences recherchent d'oscillations de neutrinos
aupres des reacteurs nucleaires a travers le monde.
Notamment, l'equipe de l'ILL engendre deux equipes: Gosgen en Suisse et Bugey,
aupres du reacteur de Bugey, entre Chambery et Lyon. Cette derniere regroupe
cinq laboratoires francais, dont le LAPP.
Les deux experiences Gosgen et Bugey trouvent en 1984 deux
resultats differents: Bugey voit des oscillations tandis que Gosgen n'en voit pas.
Finalement, Bugey corrige le tir et repousse les limites sur
les oscillations du neutrino. Donc, toujours pas d'oscillation des neutrinos.
Resultat: a moins que la difference de masse entre
et
soit tres petite (inferieure a 0.1 eV),
il n'y pas plus de 10% de melange entre ces neutrinos, c'est a dire qu'un
n'a pas plus de 10% de chance de se transformer en
.
Mais l'histoire ne s'arrete pas la car le neutrino est facetieux. Depuis 1969, un certain Ray Davis tente, dans la mine de Homestake, sous 3000 metres de terre et de roche, d'attraper quelques neutrinos solaires par an dans un immense detecteur de 600 tonnes de solvant industriel a base de chlore. Ses premiers resultats surprennent. Ils sont confirmes aujourd'hui apres 20 ans de prise de donnees: pour des neutrinos d'energie superieure a 1 MeV, le soleil emettrait trois fois moins de neutrinos que prevu.
Les astrophysiciens se gratterent la tete et d'autres experiences se mettent en place afin de verifier ce deficit inattendu. Trois experiences notamment: GALLEX, SAGE et KAMIOKANDE. L'experience de Davis, HOMESTAKE, utilise le chlore, GALLEX utilise le gallium et KAMIOKANDE l'eau. En theorie, chacune de ces experiences ne voient pas les memes neutrinos, selon leur provenance lors des reactions thermonucleaires dans le soleil.
Le deficit observe en solaires pourrait-il provenir des oscillations de neutrinos?... L'idee est seduisante, mais les resultats des experiences vont montrer qu'elle est difficile a rendre pratique.
D'autre part, en 1985, S.P. Mikheyev et A.Y. Smirnov
reprennent le travail de L. Wolfenstein et developpent l'idee d'une oscillations des neutrinos
renforcee par la presence de matiere: c'est l'effet MSW. Le deficit en neutrinos pourrait alors
provenir d'une oscillation durant leur parcours a l'interieur du soleil.
Mais l'experience est seule juge.
Plus une particule se desintegre rapidement, plus sa masse est indeterminee. On dit que sa distribution de masse possede une certaine largeur. Et cette largeur augmente avec le nombre de possibilites de desintegrations de la particule. Le Z, qui ne vit en moyenne que 10-23 seconde, peut se desintegrer en paires particule, anti-particule, comme par exemple neutrino, anti-neutrino. Plus il y a de familles de neutrinos, plus la largeur de la distribution de masse du Z est grande.
En 1991, se preparent deux experiences au CERN pour detecter l'oscillation des neutrinos:
NOMAD
et CHORUS,
qui, grace au phenomene d'oscillation, esperent detecter des neutrinos
au sein d'un faisceau de
obtenu a partir des protons de l'accelerateur de particules SPS du CERN.
La prise de donnees commenca en 1994 et les
premiers resultats
furent publies en 1998.
Enfin, KAMIOKANDE observe un deficit de dans les gerbes de rayons cosmiques. Tenter d'expliquer tout ces deficits par les oscillations neutrino n'est pas chose aisee!... Et cela devient quasiment impossible si l'on tente d'incorporer le resultat preliminaire obtenu par l'experience LSND a Los Alamos: une oscillation entre anti- et anti-.
En 1996, l'experience LSND annonce de nouveaux resultats: 22 interactions de anti- alors que 4 interactions de ce type etaient attendues. Le fait que les neutrinos aient une masse semble se confirmer, mais la quete scientifique est comme le montagnard: elle doit assurer ses prises avant de continuer a progresser. On attend donc impatiemment les resultats des autres experiences... et une confirmation par l'experience LSND.
1998, la confirmation de LSND est arrivee et une experience japonaise, Super-Kamiokande, a vu egalement une anomalie dans les neutrinos atmospheriques et dans les neutrinos solaires. Les resultats ne sont encore qu'embryonnaires mais tout semble en place pour un neutrino massif ou un nouveau cadeau de la nature (c'est a dire une nouvelle decouverte scientifique).